Lutter contre le paludisme sur le terrain, grâce à l’entomologie
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L’entomologie du paludisme consiste à étudier les facteurs biologiques et écologiques des moustiques qui transmettent le paludisme. Pour un projet comme Target Malaria, qui vise à combattre la maladie en ciblant ses vecteurs, il est crucial de bien comprendre leur dynamique. Grâce à la recherche entomologique, nous recueillons des informations cruciales sur le moustique vecteur du paludisme, qui permettront à nos chercheurs de concevoir et mettre en œuvre une stratégie efficace de lutte anti-vectorielle.
J’ai été attiré très jeune par les études entomologiques, car j’ai pu observer mon père qui, pendant ses loisirs, capturait et identifiait des insectes. En grandissant, j’ai ressenti le besoin de transposer ma fascination pour le monde naturel dans une carrière qui serait non seulement axée sur les insectes, mais aussi sur leur impact sur la santé. Voilà comment j’ai commencé à étudier le moustique vecteur du paludisme.
Dans mon rôle actuel de coordinateur technique de l’entomologie de terrain pour le projet Target Malaria, j’ai passé beaucoup de temps à travailler sur le terrain en Afrique. J’ai travaillé avec nos équipes au Cap Vert, au Burkina Faso, au Ghana, au Mali, et en Ouganda pour les conseiller et les épauler dans les projets de recherche entomologique de terrain.
Les équipes recueillent des informations sur les espèces du groupe Anopheles gambiae, qui sont les principaux vecteurs du paludisme en Afrique. Notre objectif est de mieux connaître l’habitat et la reproduction de ces espèces, à quelle distance elles se déplacent et à quel endroit elles piquent l’homme. Nos chercheurs recueillent ces informations par le biais de ce qu’on appelle des « études d’état initial », qui sont réalisées à divers endroits. Des données sont recueillies sur la dynamique de population des moustiques en fonction des saisons, ainsi que sur leurs habitats naturels.
Les études de marquage et recapture sont l’une des techniques que nous employons. En collaboration étroite avec les communautés concernées qui participent souvent à ces études, nos entomologistes de terrain élèvent et marquent des moustiques mâles à l’aide de pigments de couleur. Les moustiques sont lâchés dans l’environnement avant d’être recapturés au bout de quelques jours. Les individus capturés sont alors analysés pour estimer combien survivent dans la nature, pendant combien de temps et leur mode de dispersion. Cette technique permet aussi le suivi de nos méthodes d’élevage et de les améliorer.
Les connaissances recueillies sur le terrain servent à orienter l’approche par étape du projet sur la voie du développement de moustiques génétiquement modifiés. Les informations accumulées sont cruciales pour nous permettre de planifier et de gérer les risques et les attentes, de nous assurer que la recherche est conforme aux normes en vigueur et de concevoir d’autres études préalablement au lâcher de moustiques. L’an dernier, le projet a procédé à son premier lâcher de moustiques génétiquement modifiés sans impulsion génétique à Bana, au Burkina Faso. Ce lâcher, le premier du genre à être réalisé en Afrique, était une étape déterminante et l’aboutissement de 7 ans de travail sur le site du projet.
Les études entomologiques de terrain suivent des trajectoires diverses dans les pays africains où nos activités de recherche interviennent. Dans ces pays, la diversité des environnements représente à la fois une difficulté et une richesse. Les paramètres environnementaux distincts se traduisent par différents schémas de comportement du moustique et de transmission du paludisme ; cela signifie qu’il faut adapter la recherche entomologique, ce qui est parfois difficile à coordonner. En même temps, les spécificités régionales permettent aux chercheurs de recueillir toute une richesse d’information qui peut éclairer la conception d’approches sur mesure de la lutte anti-paludique. Il y a des enseignements à tirer dans chaque environnement et il s’agit d’être conscient de ces différences pour pouvoir être efficace dans la lutte contre cette maladie.
En 2021, la recherche entomologique va évoluer dans chaque pays :
- Au Burkina Faso, où nous venons de conclure avec succès la phase du projet à partir du mâle stérile sans impulsion génétique, les travaux seront axés sur le passage à la prochaine étape de notre processus de développement par étapes, qui fait intervenir l’étude en milieu confiné de moustiques mâles biaisés sans impulsion génétique.
- Au Ghana, la recherche se poursuivra sur le développement de protocoles d’élevage, de transport et de lâcher qui soient adaptés sur mesure au moustique africain vecteur du paludisme : des équipes de terrain se focaliseront sur l’amélioration des techniques actuelles d’élevage et sur la qualité des mâles en vue du lâcher de moustiques.
- Au Mali, les résultats du confinement de mâles stériles et les principales études entomologiques au complet seront communiqués aux parties prenantes.
- En Ouganda, la recherche entomologique se poursuivra sur les petites populations de moustiques vivant sur les îles du lac Victoria. Une nouvelle étude est prévue, en collaboration avec l’Université de Notre Dame, aux États-Unis, pour mettre au point une approche novatrice permettant de déduire la taille de la population de moustiques par le biais de l’analyse génétique.
- Au Cap Vert, l’équipe travaillera à la conception de méthodes qui nous permettront de décrire des populations très petites et très insaisissables de moustiques qui piquent à l’extérieur, puis testera ces méthodes. Des campagnes répétées de pulvérisation intradomiciliaire à effet rémanent ayant été déployées ces dernières décennies sur les îles affectées par le paludisme ont conduit à l’évolution des moustiques locaux qui ont modifié leur comportement et évitent de fréquenter les habitations.
Des études entomologiques bien préparées et parfaitement exécutées sont indispensables pour décrire précisément le comportement et la prévalence des moustiques vecteurs du paludisme. La recherche entreprise par nos équipes est fondamentale pour atteindre l’objectif ultime de Target Malaria, à savoir produire des outils novateurs sûrs et efficaces pour réduire la transmission du paludisme. Nous espérons qu’elle sera utile pour toute la communauté de lutte contre le paludisme qui travaille au développement de stratégies sur mesure de lutte anti-vectorielle qui soient plus efficaces.