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Fournir un cadre stratégique pour la recherche responsable en matière d’impulsion génétique

posté 5th novembre 2021 par Delphine Thizy

Du fait des progrès récents réalisés par la recherche en matière d’impulsion génétique, la possibilité que des organismes à impulsion génétique – tels que les moustiques génétiquement modifiés pour la lutte anti-vectorielle – soient proposés pour l’évaluation sur le terrain devient de plus en plus vraisemblable. Cela soulève de nouvelles questions vis-à-vis des cadres politiques existants pour la réglementation et la gouvernance de la recherche en matière d’impulsion génétique et de leur caractère adéquat. Dans ce papier, nous avons procédé avec mes co-auteurs – Isabelle Coche et Jantina de Vries – à la revue du paysage réglementaire en vigueur afin d’identifier des lacunes potentielles et d’analyser quels seraient les domaines de recherche à approfondir en priorité à cet égard.

Il existe actuellement plusieurs mécanismes internationaux explorant la gouvernance de la technologie d’impulsion génétique sous différents angles. Notamment, la Convention pour la diversité biologique et le Protocole de Carthagène sur la biosécurité, les mécanismes de revue de l’Organisation mondiale de la santé, de l’Union internationale pour la conservation de la nature et de l’Union Africaine. Une fois regroupés, ces mécanismes constituent un cadre solide mais ils présentent également trois importantes lacunes.

D’abord le nombre croissant d’organisations impliquées et leurs approches diversifiées suscitent des problématiques de chevauchements, de manque de cohérence et de coordination. 

D’autre part, il n’existe pas d’orientations spécifiques concernant des modèles appropriés pour le consentement des personnes et l’accord des communautés, préalablement à l’exécution d’évaluations de terrain pour la recherche en matière d’impulsion génétique. Comme les organismes à impulsion génétique ont des applications « globales à toute une zone », les résidents d’une zone identifiée pour les évaluations de terrain n’ont pas la possibilité de donner leur accord ou de refuser. Dans ce cas, c’est la communauté dans son ensemble qui doit décider de donner ou non son autorisation pour une évaluation de terrain. Les orientations actuelles ne fournissent aucun cadre précis régissant la manière de procéder pour demander cet accord de la communauté. Depuis la publication, l’OMS a publié deux documents d’orientation pertinents fournissant un cadre d’éthique global pour les processus d’accord de la communauté ; ces documents restent cependant très généraux et n’expliquent pas quelle approche les chercheurs doivent adopter.

Enfin, ils ne définissent pas clairement quels sont les bénéfices potentiels pour les résidents et les communautés dans lesquelles les travaux de recherche interviennent. Comme la recherche en matière d’impulsion génétique se déroule sur une période de plusieurs années, et que beaucoup de temps risque de s’écouler avant que les communautés locales impliquées puissent constater des bénéfices tangibles, pour leur santé, de la mise en œuvre de la technologie, il convient d’éclaircir quels seraient les bénéfices potentiels à court terme pour les communautés participant aux programmes de recherche et par quels moyens ils pourraient intervenir.

Pour répondre à ces questions, il s’agit pour les organisations de commencer par réfléchir conjointement à leurs mandats et processus respectifs dans leur globalité, et veiller à ce que des décisions futures prennent en compte leurs mécanismes et priorités mutuels. Elles doivent également s’efforcer de développer des orientations dans un souci d’inclusivité et de transparence, pour définir quels sont les principes d’un mécanisme décisionnel communautaire. Enfin, il convient d’établir des bonnes pratiques et des directives relatives à ce qui peut être considéré comme étant des bénéfices légitimes pour la communauté scientifique, afin de donner confiance aux chercheurs que leurs travaux sont conformes aux normes de recherche responsable.

En vertu de ces recommandations, Target Malaria s’est engagé à conduire ses travaux de recherche dans le respect des normes et pratiques exemplaires. En 2020, nous avons organisé une série d’ateliers avec des experts dans le domaine du consentement et de l’accord. Cette initiative, organisée en partenariat avec l’Institut pour la recherche médicale au Kenya et la Pan African Mosquito Control Association, visait à fournir des orientations et recommandations pour les activités d’engagement des parties prenantes du projet et rentrait dans le cadre d’efforts continus pour s’assurer que les parties prenantes des communautés participantes peuvent fournir des commentaires, soulever des préoccupations et soutenir notre recherche sur la base d’une compréhension de nos travaux. Les principales informations découlant de l’atelier ont permis d’éclairer l’approche itérative du projet visant à développer un modèle d’accord communautaire pour le lâcher potentiel de moustiques à impulsion génétique dans un but de recherche.

Si nous devons nous attaquer à des défis sociétaux majeurs, tels que le paludisme, par le biais de la recherche en matière d’impulsion génétique, il nous faut impérativement veiller à ce que ces travaux de recherche soient conduits dans le respect de l’éthique et des règles d’inclusivité.