Une perspective historique du paludisme pour marquer la Journée mondiale contre le Paludisme
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Le paludisme est une maladie vieille comme le monde qui hante l’humanité depuis des siècles. Depuis qu’elle a été mise en évidence, l’homme n’a eu de cesse de comprendre et de lutter contre cette maladie en utilisant une panoplie de différents outils. Dans le cadre d’activités pour marquer la Journée mondiale contre le Paludisme, Target Malaria a organisé un forum thématique sur l’histoire du paludisme, et sur le rôle de l’innovation dans les efforts centenaires de lutte contre la maladie. La discussion était menée par deux experts dans ce domaine : Dr. James Webb du Colby College, aux États-Unis et Dr. Gerard Killeen, de l’Université de Cork, en Irlande.
Le Dr. James Webb est Professeur émérite d’histoire et rédacteur fondateur de la série Perspectives on Global Health et des Series in Ecology and History, publiées par Ohio University Press. Dans sa présentation, intitulée « Épidémiologie historique du paludisme », il a remonté le temps en évoquant pour les participants la sombre époque de l’expansion maritime européenne. À cette époque, le paludisme a été un facteur majeur dans le commerce transatlantique des esclaves. Les populations d’Afrique de l’ouest et centrale étaient plus résistantes à la maladie que celles d’Europe, du fait de la grande prévalence des Duffy négatifs et des mutations hémoglobiniques, deux mutations génétiques qui les protégeaient de l’infection. Pour cette raison, elles étaient préférées aux travailleurs européens en servitude, d’où leur exploitation comme principale main d’œuvre dans les plantations appartenant aux Européens en Amérique du Sud.
Dans la première moitié du 20e siècle, les efforts de lutte anti-paludique en Afrique ont conduit au développement de méthodes de lutte anti-vectorielle telles que la pulvérisation intradomiciliaire à effet rémanent (IRS) avec des insecticides synthétiques, notamment le DDT, et des initiatives anti-paludiques, telles que le recours à l’extrait de quinine. L’utilisation expérimentale de la quinine sur les enfants à l’époque avait prouvé sa bonne efficacité. Plusieurs programmes ont été élaborés pour réduire la transmission de la maladie, dont la plupart sont décrits par Dr. Webb dans son ouvrage « The Long Struggle Against Malaria in Tropical Africa ».
Dans les années 50 et 60, des programmes pilotes d’éradication du paludisme, s’appuyant sur l’utilisation de la technique IRS et des médicaments anti-paludiques, ont réussi à réduire significativement la transmission de la maladie, sans pourtant arriver à la stopper complètement. Comme le note Dr. Webb, les efforts historiques de lutte anti-paludique ont constamment été frustrés par des rechutes et le risque de rebond du paludisme.
Le Dr Gerard Killeen est président de la Chaire de recherche AXA en Écologie appliquée des pathogènes à la School of Biological, Earth and Environmental Sciences de l’Université de Cork, en Irlande. Avant de rejoindre l’UCC, le Professeur Killeen était basé à l’Ifakara Health Institute (IHI) en Tanzanie, où il a passé plus de 16 ans et fondé le département actuel de santé environnementale et de sciences écologiques.
Dans son exposé, « Une perspective historique sur le rôle de l’innovation dans la lutte anti-vectorielle contre le paludisme », Dr. Killeen a cherché à souligner les difficultés posées par l’éradication du paludisme à travers l’histoire et l’importance d’approches novatrices pour contrer la résistance aux outils actuels. Bien que des progrès considérables aient été faits pour éliminer le paludisme depuis les premiers combats contre la maladie, un niveau résiduel de paludisme difficile à supprimer a toujours perduré.
Selon lui, l’histoire nous a appris que nous devons éviter d’être dépendants entièrement d’un seul outil, et qu’il nous faut au contraire prioriser des solutions sur mesure et complémentaires. Lorsque le DDT a été introduit, par exemple, on a chanté ses louanges en pensant qu’il serait la solution miracle, mais il a bien fallu reconnaître ses limites. Des outils tels que les moustiquaires et les larvicides ont été très efficaces pour réduire la transmission et nous ont aidés à réaliser de grands progrès sur la voie de l’élimination de la maladie, mais chaque outil, à lui seul, n’a qu’une action limitée. Pour conclure, le Dr. Killeen a rappelé aux participants l’importance de l’investissement dans les ressources humaines et du développement des connaissances actuelles dans le combat contre le paludisme : la collaboration entre chercheurs ainsi que les connaissances des communautés où le paludisme est endémique sont très précieuses et doivent jouer un rôle central dans l’éradication une fois pour toutes du paludisme.
L’histoire du combat contre le paludisme nous a montré à quel point les ruptures de financement ou le manque de volonté politique, ainsi que le recours systématique à une seule solution, peuvent entraîner encore une fois le recul des progrès. Si nous voulons vaincre le paludisme, l’innovation sera essentielle pour ne pas compromettre les progrès réalisés et nous permettre d’avancer. Des efforts combinés et continus contribueront dans une large mesure à créer le monde exempt de paludisme que nous appelons tous de nos vœux.