Résumé
- Une équipe de scientifiques a publié dans la revue Malaria Journal son point de vue sur la manière dont les essais sur le terrain de moustiques à impulsion génétique pour lutter contre le paludisme pourraient être conçus et menés dans les prochaines années, sous le titre : « Considerations for first field trials of low-threshold gene drive for malaria vector control » (Considérations pour les premiers essais sur le terrain d’une impulsion génétique à faible seuil pour la lutte contre les vecteurs du paludisme).
- Ce document analyse le champ d’application, les objectifs, les éléments de conception des essais et les approches de suivi des premiers lâchers sur le terrain de systèmes à impulsion génétique, en s’inspirant de la mise en œuvre réussie d’essais sur le terrain d’agents de lutte biologique, ainsi que d’autres outils de contrôle vectoriel.
- Les coauteurs sont issus des trois principaux développeurs de l’impulsion génétique autonome, ou « à bas seuil », pour la lutte contre les vecteurs du paludisme : Target Malaria, Transmission Zero et University of California Malaria Initiative – UCMI (Université de Californie Initiative pour le Paludisme).
- Les travaux décrits dans cet article ont été soutenus par la Foundation for the National Institutes of Health – FNIH (Fondation pour les Instituts nationaux de la santé).
Londres, le 7 juin 2024 : Malaria Journal vient de publier un article intitulé « Considérations pour les premiers essais sur le terrain de l’impulsion génétique à bas seuil pour la lutte contre le vecteur du paludisme« . Cette publication est le fruit d’une collaboration de deux ans sur la conception d’essais de terrain de l’impulsion génétique entre plusieurs équipes de recherche développant des moustiques à impulsion génétique pour lutter contre le paludisme en Afrique : Target Malaria (Burkina Faso, Ghana, Ouganda, Italie, États-Unis, Royaume-Uni), Transmission Zero (Tanzanie, Royaume-Uni), Foundation for the National Institutes of Health – FNIH (États-Unis), et University of California Malaria Initiative – UCMI (États-Unis et São Tomé et Príncipe).
L’impulsion génétique a le potentiel d’offrir un nouveau moyen de lutte contre le paludisme en ciblant les moustiques qui transmettent la maladie, comme le souligne le Programme mondial de lutte contre le paludisme de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans la stratégie technique actualisée lancée en avril 2024. Contrairement aux interventions actuelles telles que les moustiquaires ou les pulvérisations d’insecticides intra-domiciliaires, les moustiques à impulsion génétique devraient se propager et persister dans les populations de moustiques anophèles, l’objectif étant de contribuer à réduire les taux de transmission du paludisme.
Le Dr John B. Connolly, responsable de la réglementation scientifique pour Target Malaria et co-auteur de l’article, a déclaré : « Nous espérons que les concepts exposés dans cet article contribueront à l’élaboration d’un cadre solide pour tester l’impulsion génétique dans le cadre d’essais sur le terrain et fourniront aux chercheurs, aux acteurs de la réglementation et aux experts en santé publique des idées claires sur la manière d’évaluer l’efficacité de l’impulsion génétique en tant qu’outil potentiel de lutte contre le paludisme ».
L’article propose plusieurs solutions aux complexités potentielles entourant la conception des premiers essais sur le terrain de l’impulsion génétique. L’un des aspects clés du travail consiste à identifier la manière dont l’impulsion génétique à bas seuil devrait fonctionner via une « voie de causalité », commençant par la libération des moustiques porteurs de l’impulsion génétique. Cette voie de causalité conduirait ensuite à une augmentation de la proportion de moustiques porteurs du transgène de l’impulsion génétique, de sorte que l’impulsion génétique se propagerait dans les populations de moustiques cibles, conduisant à des réductions de l’abondance des moustiques cibles, donnant lieu finalement à une diminution de la transmission du paludisme.
La publication décrit comment les premières études sur le terrain de l’impulsion génétique pourraient être des « essais pilotes » relativement simples et axés sur le test des premiers points de la voie de causalité, ou pourraient être complexes et tester les premières et les dernières étapes de la voie de causalité, y compris les impacts sur la transmission du paludisme.
« Une question fondamentale pour les décideurs lors des premiers essais sur le terrain sera de savoir s’il faut se concentrer sur les premiers points de la voie, tels que l’efficacité génétique via la mesure de l’augmentation de la fréquence et de la propagation du système d’impulsion génétique dans les populations cibles, ou sur une interrogation plus large de l’ensemble de la voie, y compris l’efficacité entomologique et épidémiologique« , ajoute Dr Connolly.
Les idées présentées dans l’article proviennent également de l’expérience acquise lors des essais sur le terrain d’autres interventions plus conventionnelles de lutte contre le paludisme. Par exemple, les premiers essais d’une nouvelle moustiquaire imprégnée d’insecticide pourraient permettre de déterminer si elle réduit les taux de piqûres de moustiques dans un petit nombre de huttes expérimentales. Si ces essais sont concluants, l’étape suivante pourrait consister à évaluer l’impact direct sur la transmission du paludisme dans le cadre d’essais sur le terrain beaucoup plus vastes et plus coûteux, impliquant souvent un grand nombre de volontaires humains.
De même, l’essai pilote de l’impulsion génétique pourrait se dérouler à petite échelle, n’impliquer qu’un ou deux sites de dissémination et n’avoir que des objectifs simples, par exemple tester les premières étapes de la voie de causalité, comme la vitesse à laquelle l’impulsion génétique se propage à partir des sites de dissémination. Ces informations sur la propagation pourraient ensuite être utilisées pour concevoir des essais ultérieurs, plus vastes et plus coûteux, mesurant les étapes ultérieures de la voie de causalité et ayant une puissance statistique suffisante pour évaluer l’impact de l’impulsion génétique sur la transmission du paludisme.
Le document décrit également des approches plus sophistiquées pour les essais initiaux sur le terrain d’une impulsion génétique à bas seuil. Les essais pilotes conçus pour obtenir des données sur la propagation de l’impulsion génétique pourraient commencer à petite échelle, puis être intégrés de manière séquentielle dans le temps à des essais contrôlés randomisés en grappes (cRCT) beaucoup plus vastes mesurant l’impact sur le paludisme. Par exemple, des « essais pilotes » qui commencent à petite échelle mais qui peuvent ensuite être intégrés de manière séquentielle dans des essais contrôlés randomisés en grappe (cRCT) de plus grande envergure.