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De grands espoirs pour la prévention du paludisme : résultats récents des essais du vaccin R21

posté 4th novembre 2022 par Dr. Alexandre Quach

En septembre, nos espoirs ont été levés par les résultats d’un essai contrôlé randomisé de phase 2b  sur le vaccin antipaludéen R21/Matrix-M. Le vaccin a montré une grande efficacité, un bon profil d’innocuité et un profil de tolérance favorable 12 mois après avoir reçu une dose de rappel, dans une population de 409 enfants âgés de 5 à 17 mois au Burkina Faso. Qu’est-ce que cela nous apprend sur nos possibilités futures dans la lutte contre le paludisme ?

Chaque minute, un enfant meurt du paludisme, dans la plupart des cas en Afrique subsaharienne. Ces dernières années, les progrès réalisés au cours de la première décennie de ce millénaire ont commencé à marquer le pas, voire à s’inverser, avec 14 millions de cas supplémentaires en 2020 par rapport à 2019, et 69 000 décès de plus. Les outils existants sont confrontés à de nouveaux défis, notamment la résistance des moustiques aux insecticides, la résistance des parasites aux médicaments antipaludiques, les mutations des parasites entraînant une sensibilité réduite des tests de diagnostic et les facteurs socio-économiques empêchant les mères et les bébés de recevoir un traitement préventif.

L’accès à des vaccins sûrs et efficaces a un rôle important à jouer dans la prévention des décès évitables dus au paludisme. Cependant, le développement d’un vaccin est un processus complexe une fois arrivé au stade des essais sur l’homme. Les essais de phase 1 déterminent la dose maximale sûre parmi un nombre limité de volontaires sains, généralement moins d’une centaine. Les essais de phase 2 recrutent plusieurs centaines de patients. Les essais de phase 2a explorent les doses optimales requises, tandis que les essais de phase 2b étudient l’efficacité du vaccin. La tolérance (apparition d’effets secondaires) et l’immunogénicité (comme la production d’anticorps générés par le vaccin) sont également explorées à la phase 2. Toutefois, ce sont les études de phase 3 qui suivent, avec des données générées par de grands échantillons (plus de plusieurs milliers de participants), qui peuvent fournir des résultats suffisamment significatifs sur le plan statistique pour émettre des autorisations et des recommandations.

En octobre 2021, l’OMS a émis la première recommandation en faveur du vaccin RTS,S chez les enfants vivant dans des régions à transmission modérée à élevée. Le RTS,S a été développé en 1987. Il a fait l’objet d’essais de phase 3 à partir de 2009 et a montré une bonne tolérance mais une efficacité de 56% sur la première année ; et à plus long terme 36% sur une médiane de 48 mois de suivi (après quatre doses,) ce qui est appréciable mais reste modéré. En revanche, le R21/Matrix-M a montré une efficacité de 77% à 1 an de la première dose en 2021, renforcée par la publication la semaine dernière d’une efficacité de 78% après administration d’un booster à 12 mois (donc 2 ans après la première dose). Suite aux résultats de 2021, un essai de phase 3 pour R21/Matrix-M a été lancé en avril, avec une fin prévue pour décembre 2023.

Nous n’avons jamais été aussi près de disposer d’un vaccin atteignant l’objectif spécifié par l’OMS d’une efficacité de 75 % ou plus, avec un schéma de rappel potentiel permettant une efficacité à long terme. Des données supplémentaires sont néanmoins nécessaires pour conduire à l’approbation et à la mise en œuvre. Plus que jamais, le défi de l’éradication du paludisme est à la croisée des chemins. Il n’existe pas de solution miracle, mais des innovations prometteuses telles que les nouveaux vaccins et l’impulsion génétique, ainsi que les méthodes de prévention, de dépistage et de traitement actuellement utilisées, peuvent nous fournir la boîte à outils complémentaire pour réussir.