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Rapport mondial sur le paludisme 2023 : un appel à une action concertée pour faire face aux menaces croissantes 

posté 1st décembre 2023 par Dr Martin Lukindu

Le Rapport mondial sur le paludisme 2023 de l’Organisation mondiale de la santé, publié aujourd’hui, dresse un tableau inquiétant de la situation mondiale du paludisme en 2022. Malgré des efforts continus, le paludisme reste un problème de santé publique important, avec une incidence et une mortalité plus élevées aujourd’hui qu’avant le début de la pandémie de COVID-19. Ce scénario est exacerbé par l’impact croissant du changement climatique qui, avec d’autres défis, menace d’inverser les progrès réalisés dans la lutte contre la maladie.  

World Malaria Report 2023, World Health Organization

World Malaria Report 2023, World Health Organization

Le rapport indique une augmentation des cas de paludisme dans le monde, qui ont atteint environ 249 millions en 2022, soit 5 millions de plus qu’en 2021. Le nombre de décès dus à la maladie dans le monde a été estimé à 608 000, soit une augmentation de près de 6 % par rapport à 2019. Il est particulièrement alarmant de constater que la maladie continue de peser lourdement sur l’Afrique. La région africaine a supporté de manière disproportionnée le fardeau du paludisme en 2022, représentant 94% des cas de paludisme dans le monde et 95% de tous les décès dus au paludisme. Environ 78 % de ces décès concernaient des enfants de moins de cinq ans. L’Ouganda, où je vis et travaille, fait partie d’un groupe de cinq pays, dont l’Éthiopie, le Nigeria, le Pakistan et la Papouasie-Nouvelle-Guinée, identifiés par le rapport comme étant collectivement responsables de la majorité de l’augmentation du nombre de cas de paludisme dans le monde. 

Le rapport de cette année met particulièrement l’accent sur le changement climatique, qui constitue un facteur critique menaçant les progrès dans la lutte contre le paludisme. Les perturbations liées au climat, telles que les phénomènes météorologiques extrêmes, ont exacerbé la propagation de la maladie. Par exemple, les inondations de 2022 au Pakistan ont entraîné une augmentation de plus de 2 millions de cas de paludisme. Un autre exemple notable est l’expansion du paludisme sur les hauts plateaux africains, des régions auparavant moins touchées en raison de leur climat plus frais. Ces changements soulignent la manière dont le changement climatique peut influer sur la dynamique de la transmission du paludisme et compliquer davantage les efforts de contrôle et d’élimination de la maladie. 

World Malaria Report 2023, World Health Organization

Outre le changement climatique, d’autres défis menacent les efforts de lutte contre le paludisme. La résistance croissante aux outils de contrôle disponibles, tels que les insecticides et les médicaments antipaludiques, reste une préoccupation croissante. Le rapport souligne également la menace que représentent l’émergence et la propagation en Afrique du moustique envahissant Anopheles stephensi, une espèce originaire de la péninsule arabique. Ce moustique est particulièrement apte à se reproduire et à maintenir la transmission du paludisme en milieu urbain, et il est très résistant aux insecticides actuels. Ces facteurs, associés aux défis des systèmes de santé et à un déficit de financement important – qui a atteint 3,7 milliards de dollars en 2022 – dressent le tableau d’une bataille contre le paludisme qui devient de plus en plus complexe. 

Dans l’ensemble, malgré des efforts soutenus, le monde n’est toujours pas en mesure d’atteindre les objectifs de la stratégie technique mondiale de l’OMS contre le paludisme pour la période 2016-2030. En 2022, on comptait plus de 58 cas de paludisme pour 1 000 personnes à risque, soit plus du double de l’objectif fixé. De même, le taux mondial de mortalité due au paludisme s’élevait à environ 14 décès pour 100 000 personnes à risque, soit plus du double de l’objectif fixé, qui est d’un peu moins de 7. 

Malgré ces difficultés, des progrès notables ont également été accomplis. Les progrès récents comprennent le déploiement progressif du premier vaccin antipaludique recommandé par l’OMS, le RTS,S/AS01, et l’approbation par l’OMS d’un deuxième vaccin, le R21/Matrix-M. En outre, la disponibilité de nouvelles moustiquaires imprégnées d’insecticide à double actif et l’extension de la prévention du paludisme aux enfants à haut risque sont des avancées cruciales qui ouvrent de nouvelles voies dans la lutte contre la maladie. 

Le rapport souligne que l’élimination du paludisme nécessitera une approche globale et intégrée. Cela signifie qu’il faudra augmenter considérablement le financement et l’engagement politique pour soutenir la lutte contre la maladie. Il faudra également utiliser les données de manière stratégique et tirer parti de l’innovation pour mettre au point de nouveaux outils de lutte contre le paludisme susceptibles de compléter les interventions existantes et de relever des défis de plus en plus nombreux. Pour progresser, le rapport recommande que l’innovation se concentre sur le développement de produits plus efficaces, plus efficients et plus abordables, moins sensibles à la hausse des températures mondiales. 

Comme l’a souligné le directeur régional de l’OMS pour l’Afrique, le Dr Matshidiso Moeti : 

« Pour aller de l’avant vers un avenir sans paludisme, nous avons besoin d’un effort concerté pour faire face à ces diverses menaces qui favorisent l’innovation, la mobilisation des ressources et les stratégies de collaboration. » 

La lutte contre le paludisme, en particulier dans le contexte du changement climatique, exige un engagement renouvelé en faveur du développement d’outils nouveaux et améliorés, de l’amélioration des stratégies d’intervention, de l’augmentation active du financement et de l’avancement de la recherche. Plus que jamais, il est temps de s’unir contre le paludisme, en mettant l’accent sur l’innovation et la collaboration, en Afrique et dans le monde entier. 

Lire l’article de l’Outreach Network for Gene Drive Research. L’Outreach Network sensibilise à la valeur de la recherche sur l’impulsion génétique pour le bien public, en rassemblant des chercheurs de différents groupes dans le monde entier.