Préparer la première installation africaine destinée à l’étude des moustiques transgéniques
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En 2016, l’Agence Nationale de Biosécurité du Burkina Faso, l’autorité nationale compétente, a octroyé à notre équipe de l’Institut de Recherche en Sciences de la Santé (IRSS) une autorisation lui permettant d’étudier des moustiques génétiquement modifiés dans un environnement confiné. À l’époque, l’insectarium de l’IRSS à Bobo-Dioulasso venait d’être rénové pour héberger des insectes génétiquement modifiés. Dans le courant de l’année, l’IRSS est devenu la première institution africaine à importer des moustiques transgéniques à des fins de recherche. Nos collègues au Mali en firent de même peu après.
Dans notre récente publication, « Preparing an Insectary in Burkina Faso to Support Research in Genetic Technologies for Malaria Control » [Préparer un insectarium au Burkina Faso afin de soutenir les activités de recherche en technologies génétiques pour la lutte contre le paludisme], publiée dans la revue Vector-Borne and Zoonotic Diseases, nous racontons comment nous avons transformé nos installations à l’IRSS pour les préparer à l’importation de moustiques transgéniques, et comment nous avons collaboré avec nos partenaires de Target Malaria pour adapter les protocoles et directives de biosécurité internationaux à un environnement africain.
Le processus de rénovation de nos installations en vue d’héberger et d’étudier des moustiques transgéniques a débuté en 2014, date à laquelle nous avons sélectionné et remis en état un bâtiment désaffecté à Bobo-Dioulasso afin de le transformer en installation conforme au classement ACL2 des lignes directrices sur le confinement des arthropodes. Les installations ACL2 exigent d’importants protocoles de biosécurité, la gestion et la réduction des risques, notamment pour éviter l’exposition des moustiques à l’environnement ouvert et pour éviter que le paludisme ne pénètre dans l’insectarium. Des niveaux de confinement des arthropodes ont été introduits et définis par un large groupe de parties prenantes dirigé par l’American Committee of Medical Entomology [Comité américain d’entomologie médicale] et ont été largement adoptés à titre de normes pertinentes par des laboratoires d’arthropodes du monde entier.
Il existe une multitude de directives internationales concernant l’utilisation des moustiques génétiquement modifiés, mais le défi pour notre équipe à l’IRSS était de traduire ces directives, élaborées pour des pays dans lesquels la gestion de la biosécurité est chose courante, dans un environnement africain, où des protocoles de biosécurité ont été établis pour d’autres produits, mais pas pour des insectes génétiquement modifiés ou pour un projet ayant des objectifs de santé publique.
Notre publication fait état de la créativité et de la diligence dont notre équipe a dû faire preuve pour mettre en place cette installation, et elle souligne également l’ampleur de la collaboration. Nous avons collaboré étroitement avec nos partenaires de Target Malaria pour veiller au bon respect des cadres et directives nécessaires pour préparer notre installation ACL2 à l’importation de moustiques génétiquement modifiés. Nous avons visité l’Imperial College de Londres afin de découvrir par nous-mêmes comment bâtir un environnement sûr pour héberger ces moustiques et d’examiner les procédures opérationnelles standard mises en place par l’équipe d’Imperial.
Outre la biosécurité et la gestion des risques, il était important pour nous d’établir un environnement de recherche qui nous permettrait d’obtenir des résultats reproductibles. Par exemple, la gestion de la température et de l’alimentation pour les moustiques au sein de l’installation est d’une importance primordiale, l’idée étant que les moustiques aient un comportement cohérent ressemblant étroitement à celui des moustiques vivant dans des habitats naturels. Pour y parvenir, nous avons travaillé en collaboration avec nos partenaires de Target Malaria afin de définir un processus de « préparation des installations » que nous avons appliqué à la biosécurité et à la création de conditions permettant des travaux de recherche robustes et fiables.
Nous pensons que notre expérience, la création réussie d’une installation ACL2 en Afrique, et l’importation consécutive de moustiques génétiquement modifiés auprès de notre institution partenaire, Polo GGB en Italie, ont représenté une étape clé du renforcement des capacités de recherche sur le continent. Elles ont encouragé les régulateurs africains à envisager de futures technologies génétiques avec intérêt et à contribuer dans des délais rapides aux discussions mondiales sur l’utilisation potentielle de l’impulsion génétique à l’avenir.
Nous avons la chance de mener notre recherche au Burkina Faso, un pays aujourd’hui à l’avant-garde et une source d’expertise précieuse pour d’autres pays qui établissent actuellement leurs systèmes de biosécurité. Notre collaboration avec l’Agence nationale de biosécurité nous a permis de bénéficier de perspectives importantes quant à la façon de procéder pour développer nos installations et mettre en œuvre des protocoles de biosécurité.
Nous sommes également encouragés par le résultat de l’important engagement communautaire qui a eu lieu parmi les parties prenantes autour de l’insectarium de l’IRSS, en préparation aux rénovations de l’installation, et qui a renforcé nos relations avec notre communauté la plus proche.
La création et l’exploitation d’un insectarium ACL2 en Afrique ont marqué une étape cruciale pour Target Malaria dans sa phase initiale de recherche sur les moustiques mâles stériles génétiquement modifiés sans impulsion génétique. Le consortium a contribué à des travaux de recherches prometteurs et importants dans le cadre de son développement progressif vers un objectif global consistant à développer des moustiques à impulsion génétique pouvant être utilisés dans la lutte contre le paludisme.
Depuis la publication de cet article, l’équipe de l’IRSS a poursuivi ses travaux de rénovation et d’agrandissement de son insectarium en 2021 afin de répondre aux nouveaux besoins de l’équipe. Cet agrandissement a créé un espace supplémentaire pour les travaux de recherche sur les moustiques, tout en améliorant les conditions de travail du personnel du laboratoire.