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Paludisme : un appel à l’action

posté 28th janvier 2025 par Krystal Birungi

Blog initialement publié sur le site d’FoNS News.

À l’occasion d’un événement marquant la publication par de l’OMS du Rapport mondial sur le paludisme 2024, nous nous sommes entretenus avec Krystal Birungi, entomologiste de terrain en Ouganda, qui plaide en faveur d’un investissement accru dans la lutte contre le paludisme.  

En décembre, Krystal était invitée à la Chambre des communes au Parlement britannique. Elle appelle à allouer plus de ressources à la lutte contre le paludisme, qui coûte la vie à un enfant chaque minute en Afrique. Le paludisme reste l’une des principales causes de décès sur le continent africain, qui porte le plus lourd fardeau de la maladie. En 2023, on estime que l’Afrique représentait 94 % des cas de paludisme dans le monde et 95 % des décès liés au paludisme. 

Elle nous livre ici ses réflexions sur le nouveau Rapport mondial sur le paludisme. 

Le paludisme reste une grave menace pour la santé publique 

Le paludisme fait de nombreuses victimes, surtout parmi les enfants. En 2023, le nombre de décès était estimé à 597 000 dans le monde. En Afrique, où se produisent la plupart des cas et des décès enregistrés, 76 % des cas mortels concernaient des enfants de moins de 5 ans. 

Bien qu’il y ait eu des avancées, comme le vaccin antipaludique recommandé par l’OMS, que 17 pays ont introduit dans leurs programmes de vaccination des enfants, les chiffres montrent que nous ne sommes pas sur la bonne voie pour éliminer le paludisme d’ici à 2030. 

En outre, la résistance des moustiques aux moustiquaires imprégnées d’insecticide, la résistance aux médicaments antipaludiques et la propagation d’Anopheles stephensi , entre autres, sont des préoccupations croissantes dans les pays où le paludisme est endémique. 

Cela ne veut pas dire que ce que nous avons fait jusqu’à présent est futile. Depuis 2000, les efforts de lutte contre le paludisme ont permis d’éviter 2,2 milliards de cas et 12,7 millions de décès dans le monde. Rien qu’en 2023, on estime que plus de 177 millions de cas et 1 million de décès ont été évités dans le monde.  

80 % des cas évités et 94 % des décès évités l’ont été dans la région africaine de l’OMS, ce qui met en évidence les gains considérables obtenus grâce à des politiques et des investissements ciblés dans cette région. 

De nombreux pays où la charge du paludisme est faible, comme le Rwanda et le Libéria dans la région afro de l’OMS, continuent de progresser régulièrement vers l’objectif de l’élimination. Ces deux pays ont affiché des réductions impressionnantes du nombre de cas de paludisme, avec une diminution de 85 % au Rwanda depuis 2019 et de 44 % au Liberia depuis 2017. En 2023, plus de la moitié des 83 pays où le paludisme est endémique dans le monde ont déclaré moins de 10 000 cas de la maladie. 

Krystal Birungi presenting at the launch of the World Malaria Report 2024 in London.
Krystal Birungi presenting at the launch of the World Malaria Report 2024 in London.

Cependant, de nombreux défis tels que les déficits de financement, la pauvreté, le changement climatique, les urgences humanitaires telles que les conflits et le manque d’accès aux services de santé essentiels mettent en péril les progrès déjà réalisés 

Bien que les conclusions du rapport de cette année mettent à nu le lourd fardeau du paludisme en Afrique, elles brossent également un tableau optimiste des possibilités d’accélérer les progrès. Avec les investissements, la recherche et le développement appropriés, l’engagement communautaire et la volonté politique, il est possible d’inverser les tendances et d’accélérer les progrès vers l’élimination du paludisme. Le moment est venu d’agir. 

Plaidoyer pour l’Afrique 

En tant que personne ayant vécu le paludisme de première main, j’ai voulu partager avec les parties prenantes du Royaume-Uni mon histoire personnelle, celle d’une enfance passée en Ouganda, un pays où le paludisme est endémique. Le paludisme reste l’une des principales causes de décès et de maladie en Ouganda, responsable de 14 % de tous les décès à l’hôpital, de 25 % des admissions à l’hôpital et de 40 % des consultations externes.  

Elle touche de manière disproportionnée les plus pauvres, les moins éduqués et les plus vulnérables, en particulier les enfants, les femmes enceintes, les adolescentes et les habitants des régions isolées. 

J’ai personnellement été confrontée à certains de ces défis ou j’ai connu des personnes qui l’ont été, et je pense qu’il est essentiel de sensibiliser le public. En tant que porte-parole de Target Malaria, je voulais souligner la nécessité de poursuivre les investissements dans la recherche et l’innovation en matière de paludisme, ainsi que le développement d’approches audacieuses pour lutter contre cette maladie. 

J’ai toujours été fascinée par les moustiques, ces minuscules créatures qui peuvent vous faire passer un très mauvais moment si l’on oublie d’utiliser une moustiquaire.  

Krystal Birungi lors de la présentation du Rapport mondial sur le paludisme 2024 à Londres. De gauche à droite, Bjӧrn Gillsäter (GAVI), Barbara Laurenceau (RBM), Dr Astrid Bonfield (Malaria No More UK), Dr Lauren Sullivan (MP), Marijke Wijnroks (Fonds mondial), Krystal Birungi (Target Malaria). Avec l’aimable autorisation de Malaria No More UK. 

Lorsque je ne participe pas à des campagnes ou des événements sur le paludisme, je travaille comme entomologiste pour Target Malaria à l’Institut de recherche sur les virus de l’Ouganda (UVRI), à Entebbe. Nous développons une technologie génétique prometteuse appelée « impulsion génétique” en collaboration avec des instituts de recherche tels qu’Imperial

Notre objectif est de concevoir des moustiques capables de biaiser le taux d’hérédité et de transmettre une modification génétique – dans notre cas, la stérilité féminine – à toute leur progéniture.  

Au fil du temps, nous espérons que nos moustiques à impulsion génétique permettront de réduire le nombre de moustiques responsables du paludisme suffisamment pour mettre un terme à la transmission de la maladie.  

Pendant ma semaine au Royaume-Uni, j’ai rencontré mes collègues du département des sciences de la vie de l’Université Imperial, au laboratoire Crisanti à South Kensington, pour discuter des derniers développements de nos travaux à Target Malaria Ouganda

En mai dernier, Target Malaria Ouganda a importé pour la première fois un moustique génétiquement modifié sans impulsion génétique que nous appelons « mâle biaisé ». Cette souche a été développée à l’origine à Imperial. Il était donc fascinant de partager notre expérience de l’étude de cette souche dans notre laboratoire d’Entebbe, alors que l’équipe de Londres l’a toujours dans son insectarium.  

Krystal speaking to Imperial Discovery team.
Krystal Birungi s’adressant à des chercheurs d’Impérial au laboratoire Crisanti. Crédit : Target Malaria 

J’encourage les étudiants à profiter de cette période d’apprentissage et de découverte pour rêver au monde qu’ils veulent créer et prendre des mesures pour que cette vision devienne réalité. 

À ce propos, j’ai récemment participé à une campagne fascinante intitulée L’Expérience Zéro paludisme (Zero Malaria Expérience). S’appuyant sur des données sur le paludisme fournies par l’équipe de modélisation du professeur Azra Ghani à Imperial, cette campagne a visualisé les progrès réalisés dans la lutte contre le paludisme, en montrant comment les mesures de prévention et les traitements ont permis de sauver des vies. Depuis 2000, les efforts de lutte contre le paludisme ont permis d’éviter 2,2 milliards de cas et 12,7 millions de décès dans le monde. 

Ce fut un privilège de participer à la campagne et de prêter ma voix au film aux côtés de personnalités telles que David Beckham, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus de l’OMS, le Dr Michael Charles de RBM et d’autres membres inspirants de la communauté de lutte contre le paludisme.