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Analyse des risques potentiels liés à l’utilisation des moustiques à impulsion génétique dans la lutte anti-paludique

posté 29th mars 2021 par Dr. John Connolly

Target Malaria a pour mission de développer et de partager des nouvelles technologies génétiques, qui soient durables et économiques, afin de modifier les moustiques et de réduire la transmission du paludisme en Afrique. La technologie est toujours en cours de développement dans les labos, et l’approche adoptée par le projet est délibérément prudente et itérative. L’étude de risque environnemental (ERE) occupe une position centrale dans cette approche, puisqu’elle analyse les impacts potentiels du lâcher de moustiques à impulsion génétique sur l’environnement, ainsi que sur la santé humaine et animale. Ce travail est réalisé en permanence par nos équipes Risque et Affaires réglementaires et s’appuie sur de nombreux autres travaux et publications dans ce domaine, ainsi que sur les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé :

« Les moustiques génétiquement modifiés candidats envisagés pour progresser vers les tests de terrain (quel que soit le niveau) doivent faire l’objet d’une évaluation exhaustive de tous les dangers possibles et démontrer une efficacité et une aptitude en laboratoire qui soient alignées sur l’objectif de réduction souhaité des cas de maladie »

Évaluation des moustiques génétiquement modifiés dans la lutte contre les maladies à transmission vectorielle, Déclaration de principe de l’OMS (octobre 2020)

Nous avons récemment publié un papier dans le Malaria Journal intitulé « Systematic identification of plausible pathways to potential harm via problem formulation for investigational releases of a population suppression gene drive to control the human malaria vector Anopheles gambiae in West Africa ». Il est basé sur la simulation d’un lâcher de la souche de moustiques à impulsion génétique porteuse du transgène doublesex (dsxFCRISPRh), développée dans le labo d’Imperial College London, dont on a déjà montré qu’elle réduisait les populations de moustiques en cage, comme c’est décrit dans Kyrou et al., 2018.

Notre papier s’appuyait sur la « formulation du problème », une analyse scientifique rigoureuse qui constitue l’étape initiale des évaluations du risque environnemental, afin d’identifier les risques potentiels au regard des « objectifs de protection ». Ce sont des objectifs pour l’environnement, la santé humaine et animale, que l’on considère comme ayant une valeur particulière dans les régions où les lâchers interviendraient. Le papier examine les risques potentiels à l’égard de quatre objectifs de protection : la santé humaine, la santé animale, la biodiversité et la qualité de l’eau.

Notre analyse s’est fondée sur les publications découlant d’une série de quatre ateliers régionaux organisés en Afrique, ainsi qu’un cinquième atelier organisé aux États-Unis, entre 2016 et 2019 ; ces ateliers étaient organisés par le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique de l’Agence de développement de l’Union Africaine (AUDA-NEPAD) et par la Foundation for the National Institutes of Health (FNIH). Cela a été complété par une analyse documentaire extensive , et un dialogue permanent avec de nombreux experts scientifiques, du risque et des affaires réglementaires.

Nous avons systématiquement identifié 46 risques potentiels pour ces objectifs de protection et défini les filières plausibles, ou la chaîne causale d’événements, qui permettraient leur survenue. Nous avons ensuite développé des hypothèses de risque afin de tester la validité des principales étapes individuelles dans chacune de ces filières et souligné d’autres études qui pourraient à l’avenir nous permettre soit d’accepter, soit de rejeter chacune de ces hypothèses de risque.

Ce processus permet de développer une analyse formelle de risques qui pourra être présentée aux autorités réglementaires nationales. Il a un rôle important pour veiller à la sécurité de la conception finale d’un système de lutte anti-vectorielle à impulsion génétique.

L’exercice a révélé que:

  • Dans bien des cas, plus la population de moustiques est réduite par les moustiques à impulsion génétique, moins il y a de chances que les risques potentiels se concrétisent.
  • Les risques potentiels les plus courants ayant été identifiés faisaient intervenir une transmission accrue de maladies humaines ou animales.
  • Les processus mis au point éclaireront les prochaines étapes d’une étude ERE sur l’impulsion génétique de suppression de population, qui permettra d’évaluer la probabilité et la magnitude de chacun des risques potentiels identifiés.
  • Des études à venir portant sur la science réglementaire qui seront capables de décortiquer et d’analyser la capacité de transmission du paludisme par une population de moustiques – p. ex. en comparant le taux de piqûres et la compétence vectorielle des moustiques modifiés par rapport aux moustiques sauvages – seront cruciales pour les étapes ultérieures de l’ERE.

À notre connaissance, notre papier représente la première identification systémique et complète des risques potentiels posés par les moustiques à impulsion génétique au regard de l’environnement et de la santé humaine, dans l’éventualité où ils seraient lâchés.

Nous espérons qu’il stimulera également un dialogue encore plus large sur l’utilisation de l’impulsion génétique de suppression de population pour lutter contre les vecteurs du paludisme en Afrique. Étant donné que le paludisme est responsable de 500 000 morts par an, nous avons grandement besoin de nouveaux outils.