Prévoir le potentiel des impulsions génétiques chez les moustiques pour lutter contre le paludisme en Afrique de l’Ouest à l’aide de modèles mathématiques
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Des chercheurs de Target Malaria UK ont publié une nouvelle étude de modélisation mathématique sur les impacts épidémiologiques potentiels des impulsions génétiques en Afrique de l’Ouest : « The potential of gene drives in malaria vector species to control malaria in African environments » (Le potentiel des impulsions génétiques dans les espèces vectrices du paludisme pour contrôler le paludisme dans les environnements africains). L’article a été publié dans Nature Communications.
L’une des principales conclusions est que les impulsions génétiques doivent être libérées dans plusieurs espèces de moustiques transmettant le paludisme pour réduire fortement les cas de paludisme clinique.
Nous avons également démontré que les impulsions génétiques pouvaient considérablement renforcer la lutte contre le paludisme lorsqu’elles sont utilisées en association avec de nouvelles moustiquaires et de nouveaux vaccins, avec au moins 60 % de cas cliniques supplémentaires évités lorsque des impulsions génétiques sont ajoutées.
Quels sont les résultats de l’étude ?
Les technologies d’impulsion génétique pourraient transformer la lutte contre le paludisme, en réduisant les populations de moustiques vecteurs du paludisme grâce à une suppression autonome de la population. Dans des environnements réels, cependant, les impacts de l’impulsion génétique dépendront de facteurs écologiques et épidémiologiques locaux.
Nous avons développé des modèles mathématiques pour prédire les impacts des impulsions génétiques sur le fardeau du paludisme dans seize localités d’Afrique de l’Ouest, réparties dans treize pays. Ces sites diffèrent par leurs caractéristiques paysagères, leur climat, les espèces de moustiques présentes, la prévalence du paludisme et l’utilisation d’interventions insecticides, de traitements médicamenteux et de vaccins parmi les populations humaines.
Quels ont été les résultats ?
On a prédit que les moustiques à impulsion génétique se propageraient dans l’espace à partir du lieu de lâcher initial, entraînant des éliminations temporaires des espèces de moustiques ciblées, suivies de recolonisations. L’espèce de vecteur ciblée n’a pas été définitivement éliminée de la région, mais son abondance a été fortement réduite, de l’ordre de 72 à 92 %.
Nous avons constaté que l’impact sur l’incidence du paludisme dépendait fortement de l’espèce de moustique ciblée. Pour obtenir un impact important (90 % de réduction du paludisme dans toutes les zones), les modèles montrent que nous devons lâcher des moustiques génétiquement modifiés sur les quatre espèces de vecteurs les plus importantes dans cette région : Anopheles gambiae, An. coluzzii, An. arabiensis, et An. funestus.
Lorsque seules les deux principales espèces de vecteurs An. gambiae et An. coluzzii étaient ciblées, les réductions moyennes de la prévalence allaient de zéro à 72 % dans les différentes zones, et les réductions des cas cliniques cumulés allaient de zéro à 57 %.
Combinée à deux autres nouvelles interventions de lutte contre le paludisme, la vaccination RTS,S et les moustiquaires à base de pyréthrinoïdes-PBO, l’utilisation de moustiques à impulsion génétique a permis d’augmenter le nombre de cas évités de 60 % à 97 % en fonction du lieu et de l’espèce ciblée.
Les résultats étaient également sensibles aux propriétés précises du gène modifié, telles que la fertilité des femelles porteuses d’une copie. D’autres expériences en laboratoire et sur le terrain indiqueront plus précisément si les moustiques à impulsion génétique sont capables de réduire suffisamment la population de moustiques de type sauvage pour arrêter la transmission du paludisme.
Comment interpréter ces résultats ?
Les moustiques à impulsion génétique ont le potentiel de réduire fortement la transmission du paludisme dans les pays africains, mais leur impact varie en fonction de l’endroit où ils sont appliqués et des espèces de moustiques qu’ils ciblent. Ils pourraient considérablement renforcer la lutte contre le paludisme s’ils étaient utilisés dans le cadre d’approches intégrées impliquant des interventions multiples, telles que des médicaments, des insecticides et des vaccins.
Nos modèles mettent en évidence plusieurs incertitudes quant à l’impact de l’impulsion génétique, qui nécessiteront de nouvelles études sur le terrain des moustiques vecteurs du paludisme, si l’on veut envisager d’utiliser les moustiques à impulsion génétique dans la lutte contre le paludisme. Nos analyses supposent que les moustiques ne développent pas de résistance à l’impulsion génétique. Nos collègues impliqués dans le développement des moustiques à impulsion génétique mettent au point des approches visant à réduire la probabilité d’évolution de la résistance et à prolonger l’efficacité des interventions de dissémination de l’impulsion génétique dans la lutte contre le paludisme.
La modélisation mathématique est un outil important de Target Malaria pour nous aider à comprendre les impacts potentiels des moustiques à impulsion génétique. Dans cette publication, nous avons utilisé des modèles pour étudier les lâchers potentiels d’impulsion génétique dans une grande variété d’environnements d’Afrique de l’Ouest. Nous avons constaté que la libération de plusieurs espèces de vecteurs responsables de la transmission peut avoir un impact épidémiologique important.