Les jeunes scientifiques de Target Malaria partagent leur histoire personnelle et disent comment ils tirent un trait sur le paludisme
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La science nous permet de mieux comprendre la nature et d’appliquer les connaissances découlant de la recherche pour améliorer la vie des populations. Chaque fois qu’un jeune décide d’entamer une carrière de chercheur scientifique, on fait un pas en avant vers des découvertes importantes susceptibles d’améliorer la vie de maintes générations à venir. Pensons aux grands scientifiques tels que Louis Pasteur, Alexander Fleming, et plus récemment Jennifer Doudna et Emmanuelle Charpentier – qui ont reçu le prix Nobel de chimie pour leurs travaux sur les outils d’édition génétique CRISPR-Cas9 – et il est impossible d’imaginer ce que serait le monde aujourd’hui si l’on n’avait pas leurs travaux ! Ces scientifiques étaient motivés par leur propre passion et leur histoire personnelle.
Les scientifiques du projet Target Malaria ont leurs propres raisons pour s’aventurer dans le domaine de la recherche scientifique appliquée à la lutte anti-paludique. Les équipes Target Malaria sont basées dans 11 institutions de recherche au Burkina Faso, au Cap Vert, au Ghana, en Italie, au Mali, en Ouganda, au R.-U. et aux États-Unis. Le projet de recherche couvre plusieurs domaines : entomologie, biologie moléculaire, anthropologie, modélisation mathématique et génétique, pour n’en citer que quelques-uns. Le projet Target Malaria regroupe des chercheurs ayant des personnalités et appartenant à des cultures différentes, venant de tous les horizons, mais qui sont unis dans leur conviction de vouloir vaincre le paludisme.
À l’occasion de la Journée/Semaine mondiale contre le Paludisme, et dans l’esprit du message de la campagne Tirer un trait sur le paludisme axée sur la jeunesse, j’aimerais partager avec vous mon histoire et celle de mes collègues des différents pays dans lesquels nous exerçons nos activités.
Boubacar Tembely, Target Malaria au Mali
Le paludisme est une réalité quotidienne pour tous les Maliens. Pour protéger ma famille du paludisme, mon père nous donnait un petit comprimé anti-paludique. Cette petite pilule amère m’a hanté toute mon enfance. Quand l’heure est arrivée de choisir dans quelle voie m’orienter, travailler pour l’éradication du paludisme est une idée qui m’est venue tout naturellement.
J’ai rejoint le Malaria Research Training Center de l’Université de Bamako. Target Malaria m’a donné l’opportunité de participer au combat contre cette maladie évitable et traitable.
Jacqueline Aidoo, Target Malaria au Ghana
J’ai grandi dans une région où le paludisme était endémique, j’ai donc vu personnellement des cas de paludisme et à quel point l’impact de cette maladie mortelle était et reste toujours dévastateur chez les jeunes enfants et d’autres personnes vulnérables de notre société. Ces expériences ont grandement influencé l’orientation de mes études secondaires et universitaires, jusqu’au doctorat, et m’ont motivée pour acquérir des connaissances globales concernant les interactions vecteur-parasite et le paludisme. Je pense que mes années d’étude permettront d’affiner mes compétences et d’atteindre mon objectif, à savoir de contribuer véritablement à la lutte contre les maladies vectorielles.
J’ai actuellement la chance de faire partie du projet Target Malaria, où j’étudie « l’effet des fluctuations de température et d’humidité sur le développement larvaire et le succès à l’accouplement des moustiques adultes mâles Anopheles gambiae ». J’espère que les résultats de mes études contribueront à la recherche scientifique sur la lutte anti-vectorielle et à l’optimisation des protocoles pour la production à grande échelle de moustiques mâles détenant un grand avantage compétitif par rapport aux espèces sauvages, une fois lâchés dans la nature. Ce travail est particulièrement utile aux programmes de lutte anti-vectorielle dont le succès dépend de lâchers de moustiques mâles, comme ceux qui sont basés sur les approches à impulsion génétique.
Le fait que notre génération se rapproche plus que jamais de l’élimination du paludisme, en raison du potentiel accru de développement d’options novatrices de lutte anti-vectorielle, est très motivant pour me pousser à jouer mon rôle dans l’avènement d’un monde exempt de paludisme – le monde que nous attendons tous.
Nace Kranjc, Target Malaria au R.-U.
Je m’appelle Nace, je suis étudiant PhD dans le laboratoire Crisanti à Imperial College, à Londres. Je suis bio-informaticien, originaire de Slovénie et je tire un trait sur le paludisme en analysant le génome d’Anopheles gambiae afin de trouver des sites cibles adaptés pour les applications d’impulsion génétique.
Nous devons tous combiner au maximum nos efforts pour vaincre le paludisme. Ceci représente un formidable challenge et une grande responsabilité, mais c’est également une opportunité fantastique pour des collaborations scientifiques fructueuses et agréables.
Je suis reconnaissant et heureux de faire partie d’un projet aussi diversifié et motivant que Target Malaria.
Aïssata Sanogo, Target Malaria au Mali
Ma mère a contracté la paludisme il y a quelques années. Cela a commencé une nuit où elle s’est plainte de migraines. Elle vomissait, elle avait de la fièvre et transpirait beaucoup. Quelques heures plus tard, son état a empiré et il a fallu l’emmener à l’hôpital en urgence. Après avoir fait des tests, le docteur nous a dit qu’elle avait contracté le paludisme. J’avais tellement peur de perdre ma mère et cette nuit m’a beaucoup marquée. Je ne veux pas que cela se reproduise et je refuse d’envisager de nouveau la possibilité qu’elle puisse succomber à une maladie qu’on peut éviter.
J’ai rejoint l’équipe Target Malaria pour contribuer à l’évolution de la lutte anti-vectorielle, afin d’éradiquer cette maladie dans le monde entier. La Journée mondiale contre le Paludisme revêt de l’importance au Mali ; ce jour-là, nous nous souvenons qu’il faut continuer à investir dans la prévention du paludisme. Cette journée permet également de sensibiliser à la gravité de la situation du paludisme au Mali et de présenter les différents outils disponibles pour lutter contre cette maladie.
Thomas Gyimah, Target Malaria au Ghana
Le paludisme est l’une des maladies infectieuses les plus répandues dans le monde. On estime qu’en 2018 elle touchait plus de 200 millions de personnes, et a été responsable de 405 000 décès. Les moustiques du genre Anopheles sont les seuls vecteurs du pathogène du paludisme chez l’homme ; des stratégies novatrices de lutte anti-paludisme, telles que celles faisant l’objet des travaux de Target Malaria, sont donc axées sur la réduction de la taille des populations de ce vecteur. Dans mon travail, j’analyse les implications écologiques potentielles de la suppression de la population d’An. gambiae en ce qui concerne la pollinisation, avec pour objectif de déterminer si la suppression du complexe d’espèces An. Gambiae affecterait l’écosystème environnant.
La pollinisation est un service écosystémique important qui est nécessaire à la reproduction de plus de 90 % des 250 000 espèces de plantes vasculaires modernes. Sans diversité des pollinisateurs animaux, il n’y a pas de diversité possible des végétaux et réciproquement. Une réduction et/ou perte des uns ou des autres pourrait donc affecter leur survie mutuelle.
Bien que le complexe d’espèces Anopheles gambiae ne soit pas un pollinisateur connu de plantes quelconques, ces moustiques butinent le nectar des fleurs et sont donc des pollinisateurs potentiels. Par mesure de précaution, il importe d’évaluer l’impact du complexe d’espèces Anopheles gambiae sur la pollinisation et les semences, et de comprendre leur rôle dans le réseau communautaire de pollinisateurs.
Mon domaine de recherche consiste à identifier les conséquences écologiques potentielles des méthodes actuelles et nouvelles de lutte anti-vectorielle, surtout dans la mesure où les interventions actuelles s’appuient généralement sur les insecticides et les moustiquaires imprégnées d’insecticide, qui sont moins spécifiques et affectent donc un groupe plus large d’espèces.
Kadiatou Sanogo, Target Malaria au Mali
Il y a quatre ans, ma petite filleule Bintou Traoré, la fille d’un ami, a succombé au paludisme. Les médecins ont parlé de neuropaludisme. C’était un moment terrible pour mon ami et sa femme. Ils étaient complètement démunis et leur douleur était insupportable. Quelle tragédie de perdre un enfant à cause d’une maladie qu’on peut éviter et traiter ! Quand j’ai eu l’opportunité de participer à l’éradication de cette maladie, j’ai vu que c’était l’occasion de sauver tous les enfants comme Bintou en Afrique.
Adéritow Gonçalves, Target Malaria au Cap Vert
Je m’appelle Adéritow Goncalves. Dès que j’ai commencé à étudier l’entomologie médicale et moléculaire, c’est devenu une véritable passion. Une fois diplômé, j’ai intégré le laboratoire d’entomologie médicale du National Institute of Public Health (NIPH), dans l’archipel du Cap Vert.
Le paludisme est toujours un problème majeur en Afrique, surtout chez les enfants. J’ai fait de la lutte contre cette maladie ma mission. En 2009, avant de commencer mes études, le Cap Vert a dû faire face à une épidémie de dengue. Bien que cela n’ait pas beaucoup touché l’île où j’habitais, ma communauté a organisé une campagne de lutte anti-vectorielle passant par la gestion des sites de reproduction. En arrivant à l’université en 2010, j’ai rencontré un groupe de recherche travaillant sur les maladies tropicales, dont j’ai fait partie pendant 5 ans avant mon transfert au NIPH. Au cours des 8 dernières années, j’ai étudié les maladies tropicales comme le paludisme.
En dépit d’efforts considérables pour éradiquer le paludisme, depuis 2014, selon le Rapport sur le paludisme dans le monde 2020, les progrès réalisés dans la lutte contre cette maladie stagnent. Certains pays ont réussi à éliminer le paludisme et le Cap Vert aspire à devenir un pays exempt de paludisme, mais ce n’est pas simple. Je ne pense pas qu’on puisse comparer systématiquement la situation dans les pays qui ont réussi à éliminer le paludisme et celle d’autres pays où le paludisme persiste. La densité des vecteurs et leur répartition varient d’un pays à l’autre, sans compter les cultures locales et la perception de la maladie. Pour vaincre le paludisme, il nous faut de nouveaux outils. Grâce à Target Malaria, j’ai trouvé une équipe motivée qui travaille à une nouvelle approche. L’impulsion génétique n’est pas une solution miracle et lorsque la technologie sera disponible, après des années de recherche, elle sera complémentaire des outils de lutte anti-vectorielle actuels.
Au Cap Vert, le paludisme est présent dans l’archipel depuis le 16e siècle. Le nombre de cas de paludisme chez les autochtones varie considérablement d’une année et d’une île à l’autre. L’archipel a réussi à interrompre la transmission locale à deux reprises (de 1967 à 1972 et de 1983 à 1985), mais le paludisme a tendance à réapparaître. Nous nous préparons actuellement à recevoir la certification de pays exempt de paludisme. La lutte contre cette maladie mortelle peut se faire différemment de nos jours, grâce à un meilleur système de santé publique. Pour conserver ce statut, il faut faire preuve d’une grande vigilance. Nous devons continuer à travailler au niveau de la surveillance vectorielle, des communautés locales et toujours rester en alerte et proche des décideurs politiques.
Au fil des ans, le paludisme nous a volé plusieurs futurs dirigeants. En tant que jeunes scientifiques, nous unissons toutes nos forces pour reprendre le contrôle de notre avenir. Nous refusons de laisser les statistiques continuer à augmenter indéfiniment. Qu’il soit dit de nous, un jour, que grâce à nos efforts le paludisme appartient désormais au passé.