Bobo-Dioulasso, Burkina Faso, 10 février 2022 – L’équipe Target Malaria dirigée par des scientifiques de l’Institut de Recherche en Sciences de la Santé (IRSS) de Bobo-Dioulasso, Burkina Faso, présente les résultats entomologiques du tout premier lâcher à petite échelle en Afrique de moustiques génétiquement modifiés en 2019 dans un nouvel article publié aujourd’hui dans Nature Communications : “Mark-release-recapture experiment in Burkina Faso demonstrates reduced fitness and dispersal of genetically-modified sterile malaria mosquitoes” « Une expérience de marquage-lâcher-recapture au Burkina Faso démontre une réduction de la condition physique et de la dispersion des moustiques stériles génétiquement modifiés porteurs du paludisme ».
À Bana, dans l’ouest du Burkina Faso, des scientifiques ont suivi pendant plusieurs mois les déplacements et la survie de 14 850 moustiques mâles stériles génétiquement modifiés et leurs frères non modifiés qui ont été lâchés le 1er juillet 2019.
« Les objectifs de notre étude étaient de démontrer la capacité d’estimer le taux de survie quotidien de la souche mâle stérile de moustiques, d’évaluer leur capacité à participer à des activités d’essaimage critiques pour la reproduction, d’évaluer leur dispersion dans la zone du lâcher et d’estimer la taille de la population cible au moment du lâcher », explique le Dr Franck A. Yao, Coordonnateur de l’entomologie de terrain pour Target Malaria Burkina Faso. Au cours de la période de 7 mois de l’étude, les chercheurs ont surveillé le comportement et la zone de vol des moustiques. La première découverte a été que les moustiques lâchés ont participé aux activités d’essaimage de la même manière que leurs homologues sauvages. Comme prédit par les études de laboratoire et de modélisation, après les avoir capturés, les chercheurs ont découvert que les moustiques génétiquement modifiés étaient moins mobiles que leurs frères non-transgéniques et avaient des taux de survie plus faibles. Le gène modifié a disparu de la population étudiée à la fin du cycle de vie des mâles stériles lâchés.
The study gives scientists unique information about the fitness and behaviour of this non gene drive genetically modified strain of Anopheles coluzzii mosquitoes in a natural environment. Until the 2019 release in Burkina Faso, these non gene drive sterile male mosquitoes had only been studied in contained laboratory settings in Europe and Africa.
L’étude donne aux scientifiques des informations uniques sur la condition physique et le comportement de cette souche de moustiques Anopheles Coluzzii génétiquement modifiée sans impulsion génétique dans un environnement naturel. Jusqu’au lâcher de 2019, ces moustiques n’avaient été étudiés qu’en milieu confiné en Europe et en Afrique. Cette modification génétique vise à rendre les moustiques mâles stériles. Ils peuvent s’accoupler avec des femelles mais ne peuvent pas produire de progéniture. La modification ne porte pas la technologie d’impulsion génétique.
L’équipe de recherche travaille avec l’espèce Anopheles Coluzzii car c’est l’une des 40 espèces de moustiques qui peuvent transmettre le paludisme à l’homme. C’est le vecteur principal du paludisme au Burkina Faso. En 2020, les cas de paludisme et les décès ont augmenté dans le monde, avec 241 millions de cas de paludisme et 627 000 décès, 95 % des cas et 96 % des décès survenant en Afrique (Rapport mondial sur le paludisme 2021).
Les progrès pour éliminer le paludisme en Afrique ont ralenti. Le Burkina Faso est l’un des pays les plus touchés par le paludisme au monde avec l’ensemble de sa population de 21 millions d’habitants à risque, plus de 12 millions de cas et près de 30 000 décès par an (Rapport mondial sur le paludisme 2021).
Au cours des dernières années, il est devenu clair que les outils actuels de lutte contre le paludisme devront être complétés par de nouveaux outils, tels que les technologies génétiques. Comme l’indique la déclaration de l’OMS publiée en octobre 2020 : « Reconnaissant le besoin urgent de nouveaux outils pour lutter contre les maladies à transmission vectorielle et dans l’esprit de favoriser l’innovation, l’OMS soutient l’étude de toutes les technologies potentiellement bénéfiques, y compris les moustiques génétiquement modifiés ».
Les scientifiques de l’IRSS, qui ont dirigé le lâcher, font partie du consortium international à but non lucratif, Target Malaria, dont l’objectif est d’utiliser des technologies génétiques pour réduire la population de moustiques transmettant le paludisme en Afrique subsaharienne.
« Bien que l’objectif du lâcher à petite échelle n’était pas d’être un outil de lutte contre le paludisme, il s’agissait d’une étape importante pour l’équipe afin de recueillir des informations, d’acquérir des connaissances et de développer des compétences locales. Les données scientifiques que nous avons obtenues seront essentielles dans le développement de nos prochaines phases de recherche », a déclaré le professeur Abdoulaye Diabaté, chercheur principal de Target Malaria Burkina Faso.
L’étude a également permis à l’équipe de travailler en étroite collaboration avec les communautés affectées et les autorités réglementaires et d’engager un dialogue continu avec ces parties prenantes sur les approches génétiques de la lutte contre le paludisme.
« Le lâcher de Target Malaria est une étape cruciale vers le développement de nouveaux outils exploitant la puissance de l’édition génétique précise en vue de l’élimination future du paludisme. Les données recueillies dans le cadre de cette étude permettront de développer de nouvelles souches avec une meilleure survie et une efficacité accrue. C’est un nouveau chapitre important dans la lutte contre le paludisme », a noté le professeur Frédéric Tripet, chercheur principal en entomologie pour Target Malaria, Université de Keele.