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Analyse des effets hors-cible sur les moustiques à impulsion génétique basée sur CRISPR/Cas9

posté 8th juillet 2021 par William Garrood

Le caractère polyvalent de l’outil d’édition du génome CRISPR-Cas9, mis au point initialement par les deux scientifiques Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna, récompensées par le prix Nobel, a permis le développement de systèmes à impulsion génétique détenant un énorme potentiel pour la lutte anti-vectorielle. En tant que méthode d’édition du génome, CRISPR-Cas9 est plus facile à utiliser, plus rapide à développer et plus précis que les techniques antérieures disponibles, et permet aux chercheurs d’éditer le génome du moustique vecteur du paludisme avec un degré de précision et d’exactitude relativement élevé.

___Anopheles gambiae mosquitoes

Au fur et à mesure que la recherche avance dans ce domaine et que la faisabilité de lâchers dans l’environnement de nos moustiques à impulsion génétique devient plus probable, il est important d’évaluer non seulement les bénéfices potentiels de cette nouvelle technologie, mais aussi les éventuels risques qui pourraient découler de son utilisation. Si CRISPR-Cas9 arrive à couper précisément des séquences ciblées du génome, dans certaines circonstances, on a signalé que des séquences semblables mais « hors-cible » pouvaient être coupées ailleurs dans le génome. En théorie, le fait d’éditer ainsi des séquences hors-cible pourrait causer des mutations indésirables dans la souche à impulsion génétique. Dans la majorité des cas, on peut raisonnablement anticiper que des éditions hors-cible n’entraîneront aucun changement au niveau de l’organisme et ne sont donc pas automatiquement préjudiciables. Il n’empêche que si des mutations hors-cible induites par CRISPR-Cas9 se produisent dans les souches à impulsion génétique, comprendre ce phénomène constitue un aspect important de l’évaluation préalable des risques avant qu’un lâcher potentiel de terrain puisse être envisagé.


Un nouveau papier, rédigé par notre équipe de chercheurs à Imperial College London et publié dans le magazine PNAS, explore le phénomène des effets hors-cible. Nous cherchions à comprendre l’impact que pourrait avoir la conception des transgènes à impulsion génétique sur les effets hors-cible, et si CRISPR/Cas9 pourrait induire des mutations hors-cible significatives dans nos souches à impulsion génétique.


En collaboration avec des équipes du Massachusetts General Hospital, nous avons identifié à partir d’études moléculaires une liste de sites hors-cible potentiels dans diverses souches à impulsion génétique que nous avions précédemment générées en laboratoire. Ces sites potentiels hors-cible ont été analysés par des moyens bio-informatiques puis par séquençage exhaustif, pour voir si des mutations étaient détectées dans les génomes de nos souches à impulsion génétique.


Dans l’une de nos souches initiales à impulsion génétique basée sur CRISPR, nous avons observé des mutations hors-cible à faible fréquence, mais sans trouver aucun élément suggérant des capacités d’accumulation dans une population de moustiques, en dépit d’une exposition à CRISPR/Cas9 sur plusieurs générations. D’ailleurs, dans notre souche à impulsion génétique de conception plus récente basée sur doublesex, nous n’avons détecté aucune mutation hors-cible. Les effets hors-cible doivent donc être évalués au cas par cas pour chaque souche de moustiques porteuse d’un transgène à impulsion génétique. En comparant les caractéristiques des transgènes dans ces différentes souches, nous avons pu conclure que la conception sélective de la séquence de l’ARN guide, tout en contraignant strictement dans le temps l’expression de Cas9, permet d’obtenir des souches à impulsion génétique basée sur CRISPR qui ne présentent aucune mutation hors-cible décelable.


Cette étude montre qu’il est possible de réduire à des niveaux indécelables les cas d’édition hors-cible avec CRISPR-Cas9 dans le contexte de l’impulsion génétique chez le moustique, à condition de s’appuyer sur la conception appropriée des transgènes; cela contribue de manière importante à l’évaluation des risques de l’utilisation potentielle de nos souches à impulsion génétique sur le terrain pour lutter contre les vecteurs du paludisme.