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Journée mondiale de lutte contre les moustiques : comprendre le vecteur du paludisme

posté 20th août 2021 par Jacqueline Aidoo

Tous les ans, le 20 août, journée mondiale de lutte contre les moustiques, nous commémorons la découverte que le moustique femelle Anopheles est le vecteur de transmission du paludisme chez l’homme. C’est sur cette importante découverte, que l’on doit à Sir Ronald Ross en 1897, que reposent plusieurs programmes de lutte anti-paludisme, notamment la pulvérisation intradomiciliaire à effet rémanent et les moustiquaires imprégnées d’insecticide, ainsi que le développement de chimioprophylaxie et de médicaments pour traiter le paludisme.

Bien que des millions de vies aient été sauvées par cette seule découverte, le paludisme représente toujours un lourd fardeau pour les pays affectés, puisque l’on estime à 409 000 le nombre de décès dont il était responsable à travers le monde rien qu’en 2019.

Aujourd’hui, les chercheurs et scientifiques de Target Malaria dans le monde entier continuent à étudier le moustique porteur du paludisme pour s’efforcer de garder une longueur d’avance sur un parasite qui évolue en permanence et trouver de nouveaux moyens plus efficaces de lutter contre la maladie.

Bien que l’on dénombre plus de 3 500 espèces de moustiques dans le monde – dont 837 en Afrique – seules 3 espèces étroitement apparentées sont responsables de la plupart des cas de transmission du paludisme sur le continent : Anopheles gambiaeAnopheles coluzzii et Anopheles arabiensis. La technologie sur laquelle nous travaillons chez Target Malaria cible spécifiquement ces espèces d’Anophèles.

Pour célébrer la Journée mondiale de lutte contre les moustiques cette année, nous examinons certains travaux de recherche de pointe des entomologistes de Target Malaria qui étudient le moustique vecteur du paludisme au Burkina Faso, au Ghana, au Mali et en Ouganda et leur contribution aux efforts pour faire en sorte que le paludisme ne soit plus qu’un mauvais souvenir.  

Saviez-vous que la résistance aux insecticides est largement répandue au Mali et représente une grave menace pour la lutte anti-vectorielle ?

AMADOU GUINDO, TARGET MALARIA MALI 

Je m’appelle Amadou Guindo, j’étudie le moustique Anopheles gambiae au Centre de Formation et de Recherche sur le Paludisme (MRTC) à Bamako, au Mali. Les deux principales stratégies de lutte anti-paludisme que recommande actuellement l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sont l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticide et la pulvérisation intradomiciliaire à effet rémanent afin de réduire la prévalence de l’infection par le parasite P. falciparum. Ces deux stratégies, ainsi que l’approche du projet Target Malaria, sont axées sur le moustique vecteur adulte.

Mon travail consiste à inventorier les macro-invertébrés aquatiques qui cohabitent avec les larves de moustiques Anopheles gambiae. Le but est d’établir un registre de ces organismes non ciblés qui permettra aux chercheurs de mieux comprendre l’écosystème larvaire d’Anopheles gambiae. Les organismes sont capturés sur les sites d’étude, identifiés morphologiquement, photographiés et stockés pour une analyse ultérieure par des partenaires au Canada, au Centre de génomique de la biodiversité à l’Université de Guelph, qui procédera au séquençage ADN par code-barres et confirmation. Cette recherche nous aidera un jour à déterminer les effets écologiques potentiels de la réduction du nombre de moustiques vecteurs dans le cadre d’efforts pour mettre fin au paludisme.

Saviez-vous que les maladies qu’ils transmettent font des moustiques les insectes les plus mortels du monde, car ils sont responsables chaque année d’un nombre de décès plus important que tout autre prédateur connu ?

KRYSTAL BIRUNGI, TARGET MALARIA OUGANDA

Je m’appelle Birungi Krystal Mwesiga, je suis entomologiste à l’Uganda Virus Research Institute (UVRI) où je travaille sur le projet Target Malaria. Mon rôle de coordinateur pour l’entomologie de terrain m’amène actuellement, avec mon équipe, à recueillir les données de base nécessaires sur la répartition de la population de moustiques, sa composition, son comportement et d’autres caractéristiques. Grâce à ces données, il sera possible de déployer avec succès des moustiques génétiquement modifiés pour la lutte anti-paludisme, une fois que la technologie sera prête et approuvée en remplissant toutes les conditions de sécurité. La réduction du nombre de moustiques femelles Anophèles entraînera une réduction de la transmission du paludisme.

Le paludisme est une maladie infectieuse ayant un impact économique considérable sur les moyens de subsistance et responsable d’un nombre inacceptable de décès en Ouganda et dans d’autres pays d’Afrique. En Ouganda, le paludisme tue des milliers de personnes tous les ans et est actuellement la principale cause de mortalité chez les enfants de moins de 5 ans.

C’est donc un grand honneur pour moi de travailler pour le projet Target Malaria qui vise à développer une méthode économique et durable qui viendra compléter la panoplie d’outils pour la lutte anti-paludisme.

« Si vous pensez être trop petit pour faire une différence, c’est que vous n’avez jamais passé la nuit en compagnie d’un moustique. » – proverbe africain

PATRIC STEPHANE EPOPA, TARGET MALARIA BURKINA FASO 

Je suis coordinateur-adjoint pour l’entomologie de terrain et directeur du laboratoire de biologie moléculaire du consortium de recherche Target Malaria au Burkina Faso. Ma principale contribution à la lutte contre le paludisme consiste à mener des études de terrain visant à la caractérisation des conditions entomologiques, au suivi de la transmission entomologique du paludisme, de l’abondance saisonnière des vecteurs de la maladie et de leur dynamique spatiale, sur les sites proposés pour le lâcher. Ce travail fait intervenir une contribution à l’amélioration de la surveillance des vecteurs passant par le développement de meilleurs outils et stratégies d’échantillonnage de moustiques, selon les besoins de surveillance des moustiques vecteurs du paludisme sur de larges zones.

Outre la coordination des lâchers de moustiques et la surveillance, notre équipe de terrain appuie également deux principaux piliers du projet de recherche Target Malaria. D’abord, la conformité réglementaire, passant par la rédaction des protocoles préliminaires d’étude requis, des directives et des procédures opératoires standardisées nécessaires dans les insectariums et les sites de terrain ; ensuite, l’engagement des parties prenantes, passant par la contribution au développement de stratégies pour élaborer des messages cohérents et complets afin d’impliquer les communautés locales et de leur permettre de prendre des décisions éclairées tout au long du processus.

Saviez-vous que les moustiques mâles et femelles se nourrissent principalement de fruits et de nectar de fleurs, mais que les femelles sont les seules à piquer pour obtenir du sang indispensable à la maturation de leurs œufs ?

THOMAS GYIMAH, TARGET MALARIA GHANA

À notre connaissance, le complexe d’espèces de moustiques Anopheles gambiae n’est pas pollinisateur d’une plante quelconque. Pourtant, ces moustiques butinent le nectar des fleurs et ont donc le potentiel de les polliniser. Comme les stratégies de lutte anti-paludisme, dont l’approche de Target Malaria, sont nombreuses à cibler le vecteur, il importe donc d’évaluer l’impact de cette espèce de moustiques sur la pollinisation et les semences, et d’étudier son rôle dans le réseau plantes-pollinisateurs.

Ma recherche s’appuiera à la fois sur des études observationnelles et expérimentales pour mieux comprendre quel est le rôle écologique joué par Anopheles gambiae. Elle cherche également à identifier les conséquences potentielles des méthodes nouvelles et actuelles de lutte contre le vecteur du paludisme. C’est une question importante étant donné que les interventions actuelles reposent généralement sur la pulvérisation d’insecticide et les moustiquaires imprégnées d’insecticide, qui sont moins spécifiques à une espèce et affectent donc un plus grand nombre d’espèces. De plus, le moustique Anopheles gambiae continue à développer une résistance aux insecticides.

Saviez-vous que les moustiques femelles sont tellement efficaces qu’elles peuvent consommer un repas de sang représentant jusqu’à 3 ou 4 fois leur propre masse ?

JACQUELINE AIDOO, TARGET MALARIA GHANA

Ma recherche consiste à étudier l’effet des fluctuations de température et d’humidité sur le développement larvaire et le succès à la reproduction des moustiques adultes mâles Anopheles gambiae ; c’est un projet entrepris sous l’égide de Target Malaria. Ces études contribueront de façon importante à la communauté scientifique, particulièrement pour optimiser les protocoles de production en masse de moustiques ayant un fort avantage compétitif par rapport aux espèces sauvages, une fois qu’ils seront lâchés dans l’environnement. C’est utile en particulier pour les programmes de mise en œuvre de lutte anti-vectorielle qui déploient des techniques modernes, comme p. ex. une technologie à impulsion génétique visant à éliminer le paludisme dans un avenir proche, telle que celle qui est développée par le projet Target Malaria.

Étant donné que les progrès de la lutte anti-paludisme continuent à stagner, augmenter les investissements dans le développement de nouveaux outils et d’approches novatrices, ainsi que renforcer le soutien pour la recherche, seraient parmi les principales mesures requises pour faire avancer le combat permanent contre cette maladie mortelle. Dans le cadre d’une approche complémentaire, des innovations telles que les approches à impulsion génétique pour la lutte anti-vectorielle pourraient faire se concrétiser la vision d’un monde sans paludisme. C’est cela qui me motive pour poursuivre mon engagement dans le domaine de la recherche sur les moustiques – que ce rêve devienne réalité. J’exhorte tout un chacun à soutenir cette cause, par tous les moyens possibles.

Bonne Journée mondiale de lutte contre les moustiques !